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♥ Le meurtre du Commandeur

Dernière mise à jour : 24 sept. 2019

« Le meurtre du Commandeur » (Roman adultes), d’Haruki Murakami (Belfond)

Le narrateur est un peintre qui exécute sans passion des portraits pour les puissants de ce monde, qui les accrocheront ensuite au-dessus de leur bureau. Cette routine aurait pu durer longtemps, mais un jour, sa femme le quitte de manière soudaine. Après quelques errements, le peintre accepte la proposition d’un de ses amis de loger dans la maison de son père. Ce dernier a dû être placé en maison de retraite après avoir totalement perdu le sens des réalités. Il se nomme Tomohiko Amada et il était un célèbre peintre de Nihonga, une manière traditionnelle japonaise de peindre sur des matières naturelles. Tomohiko Amada a passé sa jeunesse à Vienne au moment de l’Anschluss et il semble y avoir vécu un événement particulièrement traumatisant. Sa maison agit vite comme un puissant stimulant sur l’esprit du narrateur. Il y a d’abord la découverte d’un mystérieux tableau dans le grenier de la maison représentant, à la manière Nihonga, la scène d’ouverture du Don Giovanni lorsque ce dernier tue le père de sa dernière amante qui vient de les surprendre. Et puis, il y a cette immense collection de vinyles, dont l’écoute s’avère l’unique distraction dans cette maison isolée. Enfin, le narrateur découvre une mystérieuse fosse au fond du domaine, mais ne lui trouve aucune utilité. Une impression d’étrangeté envahit le narrateur, quand il fait la connaissance d’un voisin à la chevelure immaculée, dont le nom signifie « échapper à la couleur ». Celui-ci est immensément riche, il ne travaille plus et semble avoir fait de la prison par le passé. Lui ayant commandé un portrait pour un montant exorbitant, il donne carte blanche au peintre quant à la manière de l’exécuter.

Quand une clochette bouddhique se met à résonner régulièrement à heure fixe en pleine nuit et qu’un des personnages du tableau de Tomohiko Amada se matérialise devant lui, la limite entre le monde onirique et la réalité devient complètement poreuse pour notre héros. Patiemment, il va devoir partir à la recherche de la signification de tous ces événements et, au passage, il va pouvoir s’interroger sur ses choix artistiques faits jusqu’à présent.

Cette manière de jouer avec les frontières du réel est un procédé « classique » chez Haruki Murakami. On retrouve également, comme dans « Kafka sur le rivage », cette idée d’isolement dans cette petite maison de montagne, ce qui permet une transformation de l’être avant un retour dans le monde actif.

Je considère qu’il s’agit d’un des meilleurs romans de ces derniers mois. Le lecteur peut y trouver une foule d’éléments symboliques cachés, y lire des interprétations multiples et, surtout, noter une quantité de citations. En le refermant, on se dit avec satisfaction que la grande littérature existe encore !



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