« Le dimanche des mères » de Graham Swift (Gallimard)
Il est des jours où notre vie bascule brutalement, où les événements se concentrent étrangement pour nous propulser dans une nouvelle dimension jusqu’alors pas envisagée. Graham Swift, écrivain britannique aussi talentueux que minutieux, nous raconte l’un de ces jours. Jane est employée de maison dans une grande demeure anglaise en 1924. Les maîtres sont aimables mais l’époque est aux transformations radicales. Les héritiers du domaine sont morts à la guerre, abandonnant à leur sort des parents désemparés et profondément blessés. La modernité s’impose partout, l’automobile remplace le cheval sur les routes et l’industrie finit de saper définitivement les revenus agricoles. L’aristocratie de campagne a vécu et ne survit qu’aux travers de ses illusions et de restes plus ou moins glorieux. Ainsi Jane est la dernière servante et n’est plus que secondée par Milly la cuisinière. Mais là aussi des forces souterraines sont en mouvement. En effet, la servante vit depuis des mois une liaison torride avec le fils du domaine voisin d’Upleigh. Si elle a conscience qu’un mariage est impossible, Paul doit épouser une personne de son rang, elle ne compte pas pour autant rester toute sa vie une simple boniche. Elle lit beaucoup et nourrit des ambitions littéraires. Sa manière d’analyser le monde autour d’elle fait d’ailleurs deviner qu’elles sont légitimes. Si Jane se doute que tout va changer un jour, elle ne soupçonne pourtant pas que ce sera ce « dimanche des mères » de 1924.
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